Jeannette Germain

 
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interview réalisée pour l'association Chemins et patrimoine andrésiens
 
née à Saint-André en 1931
« En Dieu et pour Dieu. »
 
-Jeannette- Et ça (le magazine Pèlerin) tu le reçois ? Je le reçois tous les mois je trouve que ça m’informe un peu, parce que étant isolée de tout, je ne sais plus rien. Bein c’est ça hein, quand on est en activité, tout le monde vous voit et tout le monde a besoin de toi, après, ppp t’existes plus. C’est dur la vie. Ouh j’ai été en activité, j’ai résolu mes problèmes avec les autres, on peut s’affronter, on peut s’expliquer, voilà, tandis qu’quand on est tout seul, on est face à Dieu… Et il nous répond pas ! (rires)

Mais non mais je me plains pas, j’ai beaucoup d’amis, j’ai beaucoup de monde, j’ai beaucoup d’enfants qui m’appellent euh très souvent, j’en ai cinq, un garçon, un garçon et trois filles au milieu, voilà, et puis… C’est bien. Les deux garçons sont là, un est au village et l’autre est au Montet. Et puis après les filles y’en a une à Bordeaux, Anne-Marie, Marie-Claire maintenant elle est à Pineuilh, et puis ça marche, je te jure moi, elle s’occupe des personnes âgées, c’est le euh… CIAS ! Voilà, je bouffe tous mes noms, c’est pas marrant de vieillir. Après j’ai Marilyne qui est devenue propriétaire sur Vélines, elle a acheté une maison voilà. Comme quoi je dirais encore : « Merci Seigneur » parce que j’ai 5 enfants ils travaillent tous et j’ai 10 petits enfants ils travaillent tous. Alors pour moi c’est un don du ciel ça. Mais je te dirais que j’ai toujours travaillé en Dieu et pour Dieu ça a été ma devise, je l’ai toujours ma devise, elle est toujours avec moi, c’est en Dieu et pour Dieu. Tu vois (une croix autour du cou) je la perds un peu parce que je l’ai passée à la machine, il fallait pas mais voilà non mais ça fait rien, toujours avec moi, moi pour moi, c’est Dieu mon maître.
 
 
-V- Vous priez tous les jours ?
-Jeannette- Moi ?? Ah toutes les heures, tout le temps, voilà surtout maintenant que je suis à la retraite forcée, parce que quand on peut plus, on peut plus. Faut dire « Amen » hein de temps en temps voilà ma liaison avec Dieu, elle est toujours avec moi, ça c’est sûr. J’ai, bon je parle de moi, tant pis, j’ai eu des parents profondément chrétiens, un papa, une maman, voilà, et j’ai été élevée dans cette idée donc ça m’a pas coûté, ils sont partis mais je suis toujours en liaison avec eux, avec le ciel. Voilà, pour moi Dieu, c’est mon père, vrai de vrai.
 
-V- Vous êtes née en quelle année ? Et où ?
-Jeannette- 31, (coups de canne sur le sol) dans cette maison ! Dans une chambre derrière là. Alors c’est pour ça que moi quand on me parle du village, pfff, je le connais sur le bout des doigts, pfff, je suis une fille du village moi. D’abord j’ai fait le catéchisme à partir de, qu’est-ce que j’avais, allez, 15 ans, ptetr même pas, à Saint-André, au village. Parce qu’on nous a chopé le presbytère là moi j’en suis encore haineuse hein, pardon seigneur, mais on nous a pfff moi je dis volé le presbytère. C’est
la commune qui s’en est quand-même occupé et qui l’a vendu, qui l’a acheté, moi j’ai eu très mal au cœur parce que ce presbytère j’y ai passé ma jeunesse, avec tous les jeunes parce qu’y en avait !
Alors on me disait : « Ouais qu’est-ce que tu fais avec les jeunes, y’en a pas à Saint-André…
— Y’en a pas à Saint-André ? Montez voir vous verrez, moi je leur disais. Les jeunes appellent les jeunes. »
Et c’est vrai, moi j’en avais de la Roquille, de Margueron, de partout, tous les jeunes venaient, quand ils sentent qu’il y a quelque chose qui les concerne, ils viennent les jeunes. Alors bon je me disputais avec le Maire avec… Tiens, alors… Pfff.
 
-V- Vous organisiez quels événements ?
-Jeannette- On se rassemblait, on faisait du théâtre chacun avait sa saynète et c’était bien. Ça marchait sur 4 roulettes et les gens se déplaçaient, c’était sympathique. Le milieu du presbytère, si on avait trop sauté, il se serait effondré alors ils ont étayé notre scène.
Tiens j’ai même des photos par là avec le père Lamarque qui venait là, il était, oh content comme tout, mais y’avait plus de prêtre qu’aujourd’hui.
C’était dans le couloir, on avait les pièces à côté où on allait bien sûr, mais le couloir il était grand, ah c’était super. Il fait la longueur de la maison, il dessert 6 pièces. Ah non non c’était un beau bâtiment. Alors là ils l’ont loué, peut-être que ça leur rapporte, tant mieux, je l’espère mais…
 
-V- Y’avait pas de salle municipale ?
-Jeannette- Ah non non non y’avait rien, puis on nous aurait pas prêté ça eh beh dis-donc, pour faire danser les âmes des jeunes…
 
-V- Il y avait quoi comme autres événements ?
-Jeannette- Oh ils étaient rares, y’avait le méchoui, tous les ans on faisait notre méchoui, c’était merveilleux. Après le calme des travaux des champs, parce que c’est mon mari qui aidait aussi et fallait travailler aussi. Fallait pas tant que vachette hé ! Fallait y aller, bon !
 
-V- Vous faisiez quoi comme travail?
-Jeannette- On a travaillé la terre, tu sais moi, la terre, c’est mon père, voilà. Et y’en a qui se font brûler, y’en a qui… Je leur dis à tous, mettez-moi DANS la terre, sans rien, ça m’est égal, mais moi c’est la terre qui m’a aidé à vivre et à élever mes enfants, pour moi la terre c’est sacré. Voilà c’est bête ce que je dis mais j’ai foi en la terre. J’avais mon jardin. Aujourd’hui on achète les légumes, on va chez le marchand, moi j’achète même plus les légumes, j’achète des petites boîtes toutes faites, y’a rien à faire, je peux plus. J’avais 20 ans, main’nant j’en ai 83. Alors j’en ai plus envie, j’en ai assez fait, je ne veux plus. Alors j’ai mes petits pois, dans les petites boîtes individuelles, là c’est mignon, je connaissais pas ça avant mais j’apprécie, je suis pour le progrès, pour que les choses avancent, j’ai toujours été dans cette voie là. Alors moi le progrès ça ne me fait pas peur.
 
 
-V- Vos parents travaillaient la terre aussi ?
-Jeannette- Mes parents travaillaient la terre, c’est mon papa qui a acheté là, et qui est venu avec son épouse, ma maman, l’année où ils se sont mariés et puis on est toujours restés là. Ils se sont mariés en 21. Un couple… Un commençait à parler, l’autre finissait mais c’était toujours pfff comme les 5 doigts de la main. J’ai jamais entendu un heurt ni une parole grossière ni rien du tout avec mes parents, jamais, c’était le calme plat. Ah devant les enfants, bon je vais pas dire après je ne sais pas mais voilà, ils étaient la main dans la main. Le dimanche ma maman nous amenait à la messe et mon papa faisait le repas ou vice et versa, j’ai toujours eu une ambiance comme chez Italine Zucchetto, c’était pareil. Parce que j’ai vécu avec eux, vraiment dans l’intimité, les enfants Zucchetto y’en a 5, avec les 5 miens c’était… Pfff… C’était main et chemise, voilà. Vraiment une entente extraordinaire.
 
-V- Ce sont les plus proches voisins ?
-Jeannette- Oui bien sûr mais quand-même des fois c’est là où il y a le plus de hargne (rires) parce qu’ils sont jaloux les uns des autres, parce que ci, parce que là, oh non, Monsieur Zucchetto c’était de l’or. Monsieur Zucchetto est venu nous chercher, on avait fait la grange, on avait fini avec mon mari de soigner les vaches et de traire les vaches. Parce que ça aussi y'a eu, huit vaches. Pourquoi on a eu des vaches ? Moi j’aimais la
vigne, j’aimais la terre, je connaissais mieux le travail de la vigne mais une année, tout avait gelé, en 56. Tout le bas était gelé, toutes les vignes.
Alors moi j’ai dit : « Comment il faut faire ? Il faut vivre maintenant, les enfants sont là, il faut y aller. » Alors il a acheté une vache, deux vaches, trois vaches avec Monsieur Olivi, je l’aimais beaucoup ce monsieur, mais ch’ais pas moi y’avait de l’ambiance, c’était aimable, on sentait une solidarité, il nous avait aidé à faire rentrer des vaches petit à petit et puis acheter une machine à traire et puis je me suis mise à traire.
 
-V- Vous avez appris à vous occuper des vaches à ce moment-là.
-Jeannette- Et beh il a bien fallu, il a fallu prendre le taureau par les cornes on dirait, et puis s’occuper des vaches, faire la traite le matin, le soir et puis un faisait la traite l’autre était au jardin. Avec le mari, on échangeait un peu… Parce que je le trouvais trop dur avec les animaux alors je lui dit : « Venge-toi sur le jardin et puis il te le rendra pas. » Moi j’adore les bêtes, je peux pas leur faire de mal, je me couche au milieu des bêtes… Mon chat est pas là c’est étonnant. Il m’attend. Quand je vais ramasser des noix sous le noyer, il est toujours avec moi. C’est quelque chose de précieux un animal.
 
-V- Vous les avez gardé jusqu’à quand ?
-Jeannette- Et bein, on a commencé à évacuer parce que moi je commençais à fatiguer, j’en avais marre à la fin. Y’a bien 20 ans. La salle à manger c’était la grange. C’était mon papa qui l’avait fait installer parce qu’il disait : « Moi je travaille, je bois, je mange quand j’en
ai envie, pourquoi mes animaux vont pas faire pareil ? » Alors avec monsieur Cluzeau, il était très moderne, il est venu nous installer les buvettes dans les granges mais ça c’était très tôt, y’a longtemps. C’était l’idéal, c’était le rêve de mon papa. Il est parti tôt, il avait 63 ans.
Il avait fait la guerre de 14. Il est parti le premier jour où on a sonné le tocsin, il avait 20 ans en 14.
 
 
-V- Il est parti combien de temps ?
-Jeannette- Il est resté longtemps, la guerre a duré 4 ans et il est revenu au bout de 5 ans parce qu’il a fait un an de tranchées là avec tous les premiers soldats qui sont partis et il me disait : « Tu sais c’est pas beau de marcher sur les corps qui te crient, qui crient, qui hurlent et qui appellent le père et la mère. » Oulala enfin bon bref il a connu cette première année et puis il a été envoyé en Grèce… Mais je parle grec moi ! Avec mon papa, le soir, c’était notre chambre là, mes parents d’un côté et moi de l’autre, je parlais grec : « Bonjour… » Il est resté en Grèce au moins 3 ans parce que voilà y’a eu 4 ans de guerre, il est parti avec son colonel. Le colonel Leger. Il a toujours sympathisé avec lui. Aimable…

Mais moi je remercie le ciel, je me répète peut-être mais j’ai vécu avec beaucoup d’amitiés dans ma jeunesse, ça, moi, cet amour-là il m’a formé ça c’est sûr. Parce que pour moi ça a marqué ma vie, je le dirais haut et fort parce que je me suis mariée, bon comme tout le monde fait, tout simplement mais j’étais jamais sortie de mes parents, j’étais jamais sortie de ma famille, jamais jamais, au grand jamais. Puis y’a quelque chose qui a aussi marqué ma vie, c’est la mort de mon frère, j’ai perdu un frère j’avais 11 ans. Qu’est-ce que j’ai pleuré mon frère, parce qu’on s’entendait bien, Louis, c’était… Une fille. À ce moment on avait l’eau à la pompe, y’avait pas l’eau dans les maisons encore. Alors Louis, il arrivait des vignes, des champs avec mes parents, il allait chercher l’eau pour la maman, elle ne manquait jamais de rien, c’était quelqu’un de très près. Et moi j’aimais beaucoup mon frère c’était pour moi de l’or, voilà. Alors tout ça ça marque une jeunesse, quelqu’un que t’aimes bien qui tout à coup s’en va, et pourquoi mon Dieu. Il est mort de noyade, une noyade… Joseph Charrière, pour moi c’était presque un frère, il était presque toujours derrière Jean, toujours, toujours, il était fils unique et puis y’avait pas trop d’ambiance peut-être dans la famille enfin ch’ais pas, il venait chercher cette chaleur avec mon frère, et moi j’étais avec eux automatiquement. Alors un dimanche, Joseph passe, il dit à Louis : « On va se baigner ».

Mais y’avait eu…
Je me rappelle… On faisait les vendanges avec chez Charrière, les hommes s’endentaient et s’aidaient beaucoup mais c’était très pénible là-bas au coteau chez Charrière. Mon père dit : « Tant pis, je vais, j’aide. » Et alors Monsieur Charrière, Éloi, le père de Joseph qui avait un chien, il venait vendanger, le chien le suivait partout, c’était normal.
Un jour Julia Cousinet, qui habitait là à côté, elle engueule mon père : « Oui, votre chien vient bouffer tous les jours la soupe de mes chats !
— Ah bon, si vous le croyez…
— Mais ça fait rien, elle dit Julia. Je saurai. »
Alors cette Julia elle était maligne, elle était bien gentille, moi j’adorais Julia, c’était ma grand-mère. Pfff… Elle a mis du poison et le chien s’est empoisonné, alors Charrière a accusé mon père d’avoir empoisonné ce chien. Alors ça a mis du froid. Éloi c’était un homme un peu rustre, sans beaucoup d’éducation ni rien du tout, il en a toujours voulu à mon père et alors il a fallu qu’il y ait cet accident en plus avec mon frère, ah je te dit pas. Mais mon père était très croyant et, je sais la chose, dans sa tête il a dit : « C’est pas la peine que j’en parle parce que ça n’ira pas plus loin. » Et voilà, voilà comment on fait des histoires avec peu de chose. Alors l’autre a enterré son chien et il est plus revenu à la maison. Parce qu’il a dit : « C’est Samuel qui a tué ce chien. »
Et ça a été très compliqué. Joseph il était encore plus malheureux d’avoir perdu Louis dans l’eau, de se présenter à mon père. Parce qu’il était plus revenu à la maison Joseph, il osait plus, ses parents lui défendaient, c’est pas toujours facile les familles hein. Pfff bon alors, Joseph il aimait beaucoup Jean il lui a dit : « C’est pas ta faute. Il s’est noyé, on le sait bien qu’on fait pas des choses comme ça… » Mais mon père n’a jamais fait aucune réflexion à Joseph ni rien du tout il lui a dit : « Joseph, tu viens comme d’habitude, tu es avec nous comme d’habitude, si Louis est parti, c’est pas ta faute. » Alors ça l’avait remis un peu soudé dans son amitié.
Après Joseph est toujours venu ici, c’était presque un frère, j’en perdais un, j’en trouvais un autre, presque. Et Joseph a toujours suivi Jean comme son ombre, toujours, ils sont restés vraiment liés.

Au point que pendant la guerre de 39-40, ils nous ont envahis, les allemands sont venus à Sainte-Foy en 44, et alors là y’a eu une rafle.
Et ce jour-là Jean avait une bronchite qui ne terminait pas alors mon père dit : « Écoute y’a des médecins, fais-toi soigner c’est pas la peine de traîner des saloperies sur soi. » Donc il a été chez le médecin et Joseph a été avec Jean chez le médecin. Après on a dit à mon père : « Tu sais, ton fils est pris. Les allemands l’ont pris » quelqu’un du village, je sais pas qui. Mon père dit : « Si ils l’ont pris qu’est-ce que je peux faire, rien. J’ai rien à faire avec les allemands moi. » Mais je le vois encore, c’était Terrier de la Roquille, on prenait du pain à Terrier, les grosses machines plates. Alors mon père a coupé deux grosses tranches de pain, il a coupé deux grosses tranches de jambon, et puis il a dit : « Je vais leur apporter au moins ça, en attendant ils vont manger. » À sa joie, à sa joie si ça peut être, parce qu’il était aussi malheureux de laisser l’autre. Mais Jean avait un certificat du médecin, ils avaient pas besoin de malades donc Jean a été relâché tout de suite. Mon père a bien essayé de trancher et d’aller dire que celui qui était avec lui, il avait besoin de lui mais prrr… Ça n’a pas marché. Alors il a tout laissé à Joseph, il lui a dit : « Je peux pas faire mieux, tu mangeras, on verra bien par la suite. » Et par la suite Joseph a été embarqué et on avait dit que mon père était collaborateur, parce qu’il avait plaidé pour son fils et non pour Joseph. Alors je voudrais qu’ils meurent à l’instant ceux qui ont dit ça. C’est pas beau, pas beau.
 
-V- Il est devenu quoi Joseph ?
-Jeannette-Il est parti. Il est resté prisonnier au moins 2 ans, ah oui. On a fait des colis pour tous ces hommes-là qui étaient partis, qui ont été prisonniers, on en avait beaucoup de prisonniers à Saint-André.
Y’en avait bien une dizaine, une douzaine d’hommes qui étaient de la terre là, y’avait Clerjeau, y’avait entre-autre Monsieur Lavigne, le facteur, Monsieur Moran (le père de Guy). Et alors je me rappelle de ceux-là je vais te dire la raison.

Mademoiselle Chambon a été accusée de toute espèce de choses avec les allemands ça a été bouuu terrible. Enfin bref, moi je sais que j’étais son élève et que je l’ai beaucoup aimée, avec ces prisonniers, elle a toujours été très active, à s’occuper des autres. Mon père servait à la Croix Rouge donc ils avaient tous les noms et les adresses de ces prisonniers, alors elle en avait conclu : On va faire des conserves et on leur enverra des conserves. Et moi j’en suis témoin de ces conserves parce que j’avais un vélo, j’avais 11 ans, mon frère étant mort, il avait plus besoin de son vélo. Mon père a fait mettre des roues en caoutchouc, on appelait ça des roues à pneus pleins. Mon père avait fait chausser ce vélo, il avait une remorque il a fait chausser les deux roues de la remorque et une fois ou deux par mois, je descendais à 11 ans chez madame Toulouse, pas loin du temple protestant, en face, j’allais faire sertir ces boîtes. Mais je me rappelle la première fois, c’était pas souple ces roues alors le moindre petit trou ça fait toctoctoc, donc quand j’arrivais là-bas je me vois encore chez madame Toulouse, je me suis mise à pleurer.
Elle me dit : « Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— Mes boîtes sont à moitié, vous pouvez pas les sertir comme ça !
— Alors elle m’a dit, t’inquiète pas. »
Elle m’a posé la main sur l’épaule, elle a pris une boîte ou deux et puis elle a rempli les autres. Elle m’a serti mes boîtes et puis je suis remontée. Et c’est pour ça que je sais qu’il y avait deux prisonniers, monsieur Moran et monsieur Lavigne, parce que ces deux messieurs, quand ils ont reçu les colis de la Croix Rouge, venant de Sainte-Foy quand-même, ils ont envoyé un message à l’école de Saint-André à mademoiselle Chambon pour remercier de cet envoi et remercier les enfants qui avaient servi à ça. On était fiers.

Je sais pas si aujourd’hui on peut le faire encore, mais c’est rare, alors voilà une partie de ma jeunesse : J’ai fait une scolarité de 6 ans à 13 ans c’est tout. Avec mademoiselle Chambon. Les certificats se passaient à 14 ans mais elle avait plaidé pour dire que les élèves qu’elle présentait étaient aptes à passer le certificat et on est passé et on a été reçues toutes les 3. On était fières. Mais on l’a su à la rentrée suivante. On était très heureuses. Avec Odette, c’est toujours mon amie, elle habite maintenant à Duras. Elle habitait chez Zucchetto avant c’était notre domestique, on a été très proches l’une de l’autre, on était des intimes et jusqu’à ce jour.
On s’appelle de temps en temps : « Tu viens, tu viens pas ?
— Je peux plus venir, je conduis plus. »
Teh ! C’est la vie comme dit la chanson : « La vie sépare ceux qui s’aiment, tout doucement, sans faire de bruit… » Tu connais cette chanson ? (rires) Je l’aime beaucoup, je la chante souvent.
 
 
-V- Vous aimez chanter ?
-Jeannette- J’adore ! Je vais maintenant avec Pierrette de la Roquille à une Chorale à Gardonne qui me convient très bien. Alors je vais chanter avec eux. Il faut vivre, il faut réagir sinon on est foutu, c’est sûr.
 
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28 novembre 2014, Saint-André-et-Appelles