Jean-Pierre Saillan

 
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propriétaire du café Le Parisien à Eynesse
« Les gosses ici, c’est presque comme mes drôles. »
 
-J-P Saillan- Je suis né à Gensac. Mes parents, mes grands parents du côté de ma mère, comme du côté de mon père, étaient de Gensac. Mon père était facteur à Gensac, tout en faisant la propriété. Après ma mère est venue à Eynesse, pour faire un complément de retraite, parce qu’autrefois, les femmes ne cotisaient pas à l’agricole pour la retraite. Elle était venue ici, tenir le café, pendant 10 ans. Elle a arrêté en 83 et moi je l’ai pris en 83. Parce que moi, de mon métier j’étais pâtissier. Je suis allé à Arcachon, à Sainte-Foy-la-grande (la pâtisserie sous les arceaux, aujourd’hui chez Chevalier), et après je suis parti en 72. Je suis venu m’installer pâtissier à Eynesse. J’ai arrêté la pâtisserie en 84, parce que je ne pouvais plus faire le café et la pâtisserie. En plus je travaille seul, je suis célibataire. J’ai essayé de me dédoubler pendant un an, mais c’était trop de travail, trop, trop. Et depuis, je suis encore dans le café. Ça va faire 25 ans maintenant que je le tiens. Mes cousines tiennent le bureau de tabac à Gensac. Comme c’est mon neveu qui tient le bureau de tabac à Pessac, c’est le fils du boulanger d’en bas. Mon frère est boulanger en bas de la rue. J’ai ma nièce qui est coiffeuse aussi, c’est la fille du boulanger.
 
 
-V-  Pourquoi Le Parisien ?
-J-P Saillan- C'était avant ma mère. Parce que le café, il date d’avant guerre, même plus. Autrefois à Eynesse, y'avait 3 cafés.
 
-un client- Jean-Pierre ?! Demi-Pêche, demi normal, un café, et tiens tu me mettras un Pineau. La bière, j’en ai marre.
 
-J-P Saillan- J’ai pris le café, et après j’ai crée de la restauration. Maintenant, je fais que sur commande et des groupes. Hier soir, j’avais les châtelains du château La Tuque.
 
-V- Vous avez connu des petits qui sont grands maintenant ?
-J-P Saillan- Y’en a qui sont mariés même, qui ont des enfants. Et c’est là, que je me suis aperçu que j’avais vieilli. Les gosses ici, c’est presque comme mes drôles.
 
-V-  Et on vous envoie des cartes postales des 4 coins de la France, et du monde.
-J-P Saillan- C’est des cartes de remerciements. Ils comptent que l’année prochaine je serai encore là, mais moi, peut être que je serais plus là.
 
 
 
-V-  Vous avez un menu à vous ?
-J-P Saillan- Pour les anglais, j’avais fait potage ; parce que je fais toujours un bon potage, après je fais melon, jambon, bouchées à la reine, magrets de canard avec des pommes de terre forestières, salade, fromage, et les petits choux que je fais pour le dessert, café, vanille, chocolat.
 
-le client- Jean-Pierre, je m’excuse mais tu m’as mis un demi de trop.
 
-V-  Mais vous êtes pâtissier de formation ?!
-J-P Saillan- J’ai appris la cuisine tout seul. Et je me suis spécialisé sur la lamproie surtout, à la bordelaise.

-V- Et vous vous fournissez où ?
-J-P Saillan-Non, je fais pas moules-frites. Je fais plutôt confit, magret de canard, rôti de bœuf.
 
-V- Vous vous fournissez aux producteurs du coin ?
-J-P Saillan- Ça m’arrive, et je prends aussi au Leclerc quoi. Ce matin, j’ai été cherché un plein panier de tomates qu’on m’a donné. Je viens de faire justement de la piperade qui est en train de stériliser.

-V- Vous allez souvent à Sainte-Foy ?
-J-P Saillan- Oui, pour faire mes courses. Alors faut faire attention parce que c’est tout limité à 50 sur la route du Pond de la Beauze. Alors, c’est long, on a le temps de tout revisiter, les jardins sur les côtés, les fleurs qu’ils ont plantées…

 
-V- Il paraît que vous êtes un passionné de fleurs.
-J-P Saillan- Oui très. J’aime toutes les fleurs. Je pense qu’elles ont toutes leur charme et leur beauté. Elles sont différentes, c’est tout, comme les humains.
[En nous montrant la salle de réception] C’est là où on mange. Ça fait tout. Ça fait maison d’habitation, ça fait salle de restaurant. Mais je vis plus tellement ici. Y’a la télé, parce que le midi, je mange là, mais après je vais dans l’autre maison, où j’ai un petit écureuil. Il était tombé d’un nid, on sait pas d’où. Il se laisse attraper, il s’amuse avec moi. Les gosses sont venus tout à l’heure, ils l’ont énervé un peu. Je le lâche pas dans la maison parce qu’il me met tous les bibelots par terre.
 
 
-V- Vous êtes un collectionneur ?
-J-P Saillan- Tous les mercredis je vais à la salle des ventes à Bergerac. J’ai acheté la semaine dernière 3 faitouts en fonte pour 10 euros. Comme demain y’a la brocante, je vais les mettre à la brocante. J’ai eu ces cartons de bouquins pour 10 euros. Ils me donnent des poupées, alors je les donne à mes petites nièces. L’autre jour, j’ai ramené une jolie poupée qui pondait. Je l’ai ramenée à ma sœur pour qu’elle fasse des petits tricots à travers. Ce ballon, il est dédicacé par le Paris Saint Germain de Paris. Parce que le président du Racing Club de Paris est venu manger chez moi. Je le mets pas dans le bar, parce que des fois, on risquerait de me le marcotter.
 
 
 
 
-V- Qu’est ce que vous faites de votre temps libre ?
-J-P Saillan- Je vais me promener des fois. L’autre jour, je suis allé à l’Ange Bleu. C’est comme le Lido un peu. Ça fait repas-cabaret. Et ici, y’a un club de troisième âge, alors des fois, si y’a une sortie qui plaît, j’y vais avec eux.
 
-V- Vous avez des habitués au bar ?
-J-P Saillan- Oui des piliers de bistrots comme on appelle. Ils viennent prendre l’apéro, et ils restent là. Alors « c’est ma tournée, c’est ta tournée, c’est sa tournée ». Des fois, ils me fatiguent. Il est 10h, j’ai pas mangé, rien. On est esclave du client quand on est dans un commerce. Ça m’est arrivé de foutre des gens dehors. Je suis pas pour faire boire les gens. Moi-même je ne bois pas.
 
[Un jeune entre]
-J-P Saillan- Alors tu es venu à la fête voir si y’avait des copines ? Maintenant que tu es libre. Une de perdue, 10 de retrouvées !
 
-V- Y’a des personnes célèbres qui sont passées par ici ?
-J-P Saillan- Gilbert Mitterrand est venu manger. Il était même au mariage de ma sœur. Il était venu avec sa deuxième femme. Mais cela ne nous regarde pas.
 
-V- Vous devez en connaître des histoires de village.
-J-P Saillan- Si je disais tout ce que je sais, je fâcherais tout le monde. Il faudrait mettre des noms d’animaux à la place. Comme dans tous les villages, té, y’a des histoires de cul. C’est ce qui fait le charme des villages.
 
-V- Vous avez un souvenir à nous raconter ?
-J-P Saillan- Là, j’ai un truc, c’est Fabienne Thibaud qui nous l’avait dédicacé. C’était un truc écologique, sur la défense de la terre.
 
 
-J-P Saillan-[…] J’étais tout maigre quand je suis né.
-le jeune- Tu t’es bien rattrapé.
 
-J-P Saillan- Mon grand père, il disait à ma mère, en patois : « tu le sauveras pas ce drôle ». C’est mon frère qui avait tété la mère, et puis moi…
 
 
6 septembre 2008, Eynesse