Ginette Biret

 
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76 ans, née à Saint-Avit-du-Moiron
« Ça pourrait être pire !  »
 
-V- Êtes-vous née ici, à Margueron ?
-Ginette- Non, je ne suis pas née ici. Je suis née à Saint-Avit-du-Moiron. Mes parents m’ont pris sous le bras, ils m’ont emmené à Pineuilh. J’y ai passé mes 3 premières années. Là où ils faisaient la fête du 15 août. Et puis après mes parents ont acheté une propriété à côté du Leclerc et j’en suis restée là jusqu’à mon mariage.
 
-V- Ça a bien changé par là-bas.
-Ginette- Ho que oui ! Quand je vais chez ma petite fille à Pineuilh, quand je vois la place du Général de Gaulle, pétard de chien, quand je pense que là, moi, j’y ai sarclé des betteraves et planté du maïs. Toute la famille était réunie là. C’était des terres là-bas ! On s’entraidait. Chaque propriété avait son hangar à tabac. Y’avait un entrepôt qui était derrière la gare. On livrait le tabac là, en novembre, décembre. Là, il était classé par catégorie.
 
 
 
-V- Alors comment avez-vous atterri ici ?
-Ginette- Quand je me suis mariée, je suis venue ici à Margueron. En 1952.
 
-V- Ça vous fait quel âge ?
-Ginette- Ça dépend. Je vais vous demander 20 euros par année. Non, je suis née en 1934. Calcule un petit peu. Active tes neurones.
 
 
-V- Ça vous plaît Margueron ?
-Ginette- La première fois que je suis venue à Margueron, on était venu ramasser des champignons. Quand j’ai vu ce bled, je me suis dis, pfff, non mais attendez, là moi je suis mal. Dans ce truc là ! Je leur dis : « mais vous voyez quelque chose de temps en temps ? ». Et puis maintenant, ça m’ennuierait bien de partir. J’espère bien partir les pieds devant de toute façon. C’est vrai que ça m’avait fait bizarre.
 
-V- Vous étiez presque une citadine ?
-Ginette- Oui, on me l’a assez reproché. Je prenais mon vélo, 5 minutes, j’étais à Sainte-Foy. On se donnait rendez-vous avec tous nos copains. On était une dizaine, c’était un noyau. On était comme frères et sœurs. Tous autant on était, un respect, une amitié, qu’on ne trouve plus maintenant. Moi quand je vois les jeunes maintenant, y’a les filles qui braillent comme des folles on dirait qu’on les étripe. Les garçons sont moitié cinglés. Alors, on s’était donné rendez-vous au Casino. C’était notre point de chute. Bon bé l’été, on allait boire une menthe, ça se limitait là hein. Y’avait pas d’alcool, y’avait rien.
 
-V- Vous alliez au bal ?
-Ginette- Y’avait un kiosque derrière le Casino. L’été on allait danser. L’hiver, y’avait 2 salles de cinéma. Une où y’a les pompes funèbres maintenant et au palais du billard là bas, c’était l’Exelcior. Mon petit fils me dit : « mais tu allais au Casino ? », je lui dis : « dis donc, j’ai été jeune moi aussi ! ». J’ai aimé m’amuser, j’ai aimé rire, j’ai aimé danser.
 
 
-V- Vous alliez voir quoi comme films ?
-Ginette- C’était des films qui avaient un petit peu un sens quoi. C’était pas des séances de revolver. Y’avait pas toutes les âneries qu’il y a maintenant.
 
-V- Avez-vous participé aux festivités de Margueron ?
-Ginette- À l’époque, tous les ans, y’avait la fête locale qui était le dimanche le plus près de la Saint Jean. Et puis les fêtes religieuses comme partout. Après y’a eu le comice agricole. T’aurais du emmener des carottes et tes radis là-bas, et puis t’aurais pu aller te rhabiller. C’était le concours des plus beaux légumes. On a eu machin Guy Lux qui est venu. Y’avait eu baptême de l’air avec l’hélicoptère. Alors y’avait un gars, ho il était bien gentil pardi, il avait un peu la balle en pente, alors quand il prenait une cuite le premier janvier, elle durait tout l’année. Alors, il a voulu faire le baptême de l’air. Tu penses, quand machin il a décollé, il a gerbé. Et puis y’avait les vaches landaises. Ça a duré peut être 8, 10 ans.
 
-V- Vous alliez au marché le samedi matin ?
-Ginette- C'est-à-dire que comme on y allait à vélo, on groupait les commandes.
 
-V- Mais vous avez eu votre permis.
-Ginette- J’ai passé le permis dans les années 70. Un jour j’ai dit à mon beau père : « j’aimerais bien passer mon permis ». Vous savez ce qu’il m’a répondu ? : « y’a que les putes qui conduisent ». Mais il allait à la messe tous les dimanches. Bon, j’ai avalé ma salive. J’ai rien dit. Et voilà qu’un jour, j’avais de l’argent qui m’appartenait. Alors, j’ai dit, je passe le permis et je m’achète une voiture. Et je l’ai eu. Mon beau père a dit  : « Ho mais ça s’arrose ! ». Et bé je lui ai dit : « vous attendrez qu’il pleuve ».
 
-V- Quelle a été votre première voiture ?
-Ginette- Une 4L… Et bé ça te fait rire !… Alors mon beau père commence à me dire : « Il faut pas s’en servir de la voiture ». Je lui ai dit : « Pardon ? la voiture c’est la mienne, je m’en servirai quand je voudrai. Et je ne vous demanderai pas l’autorisation. Que ça vous plaise ou non ». Un ange est passé. Parce que je pouvais être aussi bête que lui si je voulais.

Il fallait qu’il aille chercher sa retraite de combattant à la perception. Il me dit : « Il faudrait que tu m’emmènes à Sainte-Foy ». Je lui ai répondu : « Vous avez pas peur de monter avec une pute ? ». C’est vrai que c’était particulier cette époque-là. Les femmes, c’étaient les souillons.
 
 
 
-V- Comment ça se passait au moment des vendanges chez vous ?
-Ginette- Et bé, moi j’allais vendanger, à 10h30, je revenais. À midi, tout était sur la table. Maintenant je peux plus arquer, mais je vous garantis que j’ai pas chaumé. Alors, on s’arrangeait avec Tridat. Lui, avait fini avant nous. Il nous envoyait sa troupe ici. Et puis quand la maison Basso avait fini, ils nous envoyaient leurs… en prison ils doivent être mieux. T’avais cette clique là, ho là là ! Les 2 dernières années je me dis, je tiens plus. Je fais ma valise et je me fous le camp.
 
-V- Ils étaient comment ?
-Ginette- Y’a eu un peu de tout. Y’a eu des hippies, y’a eu des pfff… Y’en avait un, il avait une tête à faire plus plaisir à un gendarme qu’à une jolie fille. Ho la salle tronche qu’il avait cet agneau là ! Un jour, je me trouve nez à nez avec cette espèce de grand bonhomme là, j’avais un couteau sur la table, je t’explique pas. Je le regardais et puis je regardais mon couteau. Et je lui ai dit, c’est pas la peine de me faire du charme. Et puis il est parti.
 
-V- Comment s’appelle votre château ?
-Ginette- C’est le château du Bois Clair, «Plus on en boit, moins on est clair ».
 
-V- Vous allez à la messe ?
-Ginette- Je n’y vais plus. Je préfère m’occuper de mes oignons, plutôt qu’entendre toutes ces grenouilles de bénitier, qui sont là pour paraître mais qui ne sont pas là pour être. Ho, ça j’en suis saoulée.

Tous les ans, y’avait des théâtres à Pineuilh. On faisait 5 représentations et 3 au Casino à Sainte-Foy. On faisait salle comble chaque fois.
 
-V- Vous jouiez quoi ?
-Ginette- Pour le 15 août, on faisait des jeux scéniques, la procession aux flambeaux, à la croix. Le premier jeu scénique qu’on a fait, on a joué Notre-Dame de la Salette. On était 3 sur scène et y’avait 80 personnes. L’année suivante, ça avait dépassé les 200. Et on est arrivé à dépasser les 3000. On a joué La Passion, Le jongleur de Notre-Dame… et les costumes, on se les faisait nous même. On n’avait pas le temps d’aller faire des âneries. On était occupé toute l’année avec notre théâtre. On faisait des fleurs en papier pour le 15 août. Y’avait des séances de prières à l’église, y’avait la bénédiction des enfants. C’était quelque chose de prenant.
 
 
-V- Vous faisiez quoi de votre temps libre ?
-Ginette- Ha je te garantis que les vélos, ça chauffait ! On n’allait pas systématiquement au cinéma ou danser, on prenait les vélos et allez, on pédalait ! Et on rigolait bien tiens. On prenait le passeur à la Dordogne, on allait jusqu’au club nautique et on revenait à pied. Faire du vélo maintenant ! Attends, il faut être coupé de singe bleu.
 
-V- Il paraît que vous avez beaucoup de dés ?
-Ginette- Oui j’en ai presque 130. J’en ai qui viennent d’Allemagne, d’autres de Las Vegas, d’Angleterre. J’en ai en porcelaine, j’en ai en émaux… Ça c’est des dés de tailleur, c’est des dés d’homme.
 
 
-V- As-tu une devise ?
-Ginette- Ça pourrait être pire !
Dans toute chose, aussi pénible qu’elle soit, cherchez le côté marrant… et vous le trouverez !
 
 
29 octobre 2010, Margueron